Présentation
Prix des Bibliothèques pour Tous 2017
Presse
L’Obs
1er septembre 2016
Mauvignier en cavale
Jusqu’alors, l’impressionnante et tempétueuse circumnavigation romanesque de Laurent Mauvignier, laquelle traverse le temps et passe par le stade du Heysel et la centrale de Fukushima, La France et l’Algérie, la Tanzanie et la Floride, Israël et la Russie, ignorait encore le Kirghizistan. Avec « Continuer », l’oubli est réparé. C’est en effet dans ce pays montagneux d’Asie centrale, une ex-république d’URSS, que l’écrivain d’« Autour du monde » envoie, pour un trek équestre, un couple de désarçonnés : Sibylle, qui a le sentiment de n’avoir pas su construire sa vie, et son fils Samuel, un adolescent qui a déjà envie de détruire la sienne. La mère a étouffé son rêve de devenir romancière et chirurgienne, en même temps qu’elle a perdu ses illusions de gauche et son idéal amoureux. Et voici que son fils, prénommé Samuel à cause de Beckett, ajoute encore à son désenchantement et à son désarroi : il a de l’acné et le crâne rasé, il se la joue skinhead, il a été mêlé à une tournante, et, enfermé derrière son casque audio, il ne communique plus. Même le père, dont Sibylle vient de divorcer et qu’elle appelle à la rescousse, est impuissant à empêcher la dérive et le naufrage de ce garçon qui aimait tant monter et qui s’obstine désormais à tomber. Pour le sauver, la mère décide alors d’emmener son fils parcourir, en selle, le « pays des chevaux célestes ». Des semaines d’une randonnée aux trois allures et à haut risque, entre crevasses et à-pics, lacs et vallées, avec ses campements de fortune, ses rencontres improbables avec des Kirghizes ou des Français, au cours de laquelle se reforme peu à peu, non sans mal, jusqu’à un épilogue qu’on ne révélera pas, le lien distendu, disparu, entre cette femme épuisée de vivre et son ado dégoûté de tout. Un lien dont la relation silencieuse et sensible avec le cheval est, sans doute, la plus juste des métaphores. Après avoir montré, du monologue intérieur à la fresque polyphonique, de la petite à la grande histoire, l’étendue de ses dons, Laurent Mauvignier, prix du livre Inter pour « Apprendre à finir », s’essaie au roman d’aventures, et c’es palpitant de bout en bout. Même si l’on a vite compris que ce raid à cheval cache une expédition plus intime, celle que Sibylle Ossokine effectue dans son passé, beau coup plus infranchissable et dangereux que les montagnes du Kirghizistan. La prose, à la fois galopante et méditative, de Laurent Mauvignier même ces deux aventures, l’horizontale et la verticale, comme elle prolonge toutes les obsessions de ses romans précédents et leur thème récurrent : comment recoller les destins brisés, comment sortir de la guerre, comment faire la paix, comment « continuer » ?
Par Jérôme Garcin
L’Obs, 1er septembre 2016
MAGAZINE LITTERAIRE
septembre 2016
Dénouer la relation mère-fils
Avec finesse et acuité, Laurent Mauvignier explore les liens -la tendresse impossible et les colères rentrées -entre Sybille et son fils Samuel, qu'elle a emmené dans les montagnes du Kirghizstan.
Que nous disent ces titres à l'infinitif qui, depuis quelque temps, foisonnent en couverture : Réparer les vivants, Pas pleurer, Marcher droit, tourner en rond ? Ne figurent-ils pas autant de recettes pour soi-même, de résolutions à tenir, à avancer? Chez Laurent Mauvignier, le choix de ce mode rappelle un autre livre où se brisait voilà seize ans la voix d'une épouse délaissée. De fait, quelques échos lient Apprendre à finir et Continuer. Les portraits de femmes, d'abord, qui partagent un même mélange de détermination et de fragilité, d'idéalisme et d'abnégation. Puis le spectre d'une haine adulte glissant sous la peau des enfants lorsqu'on se déchire sous leurs yeux. Enfin, ce même espoir immense, superbe parce que fou, en un recommencement possible, ailleurs ou autrement.
Comme la convalescence de son mari donnait à la narratrice d'Apprendre à finir la force de lui pardonner et comme aussi le Tony de Seuls voulait d'autres villes pour « réapprendre à vivre », Sybille emmène son fils dans les montagnes du Kirghizstan, loin de la délinquance, du confinement de leur appartement et des sournoiseries de son ex-conjoint. Prendre la route pour se rependre soi, donc, et, dans un quotidien réduit à l'essentiel, « tout remodeler, dessiner une vie humaine dans un monde qui ne l'est pas ». De là, l'infinitif se déclinera en trois chapitres : « Décider », « Peindre un cheval mort », « Continuer », comme les trois actes d'un drame, de l'exposition à la catastrophe. Alors, dans la paix minérale kirghize, parmi les blocs de glace, l'herbe pelée et les lacs incandescents, une autre langue remplacera les dialogues mort-nés et les mots ineffaçables : langue des jeux muets, du corps, de sa fatigue, du fracas des sources et de la pluie des sabots.
Avec la finesse et l'acuité qui le caractérisent, Laurent Mauvignier explore une fois de plus les liens entre les êtres, détortillant patiemment chaque nœud comme on démêle une pelote de vieux colliers. De même qu'il déchiffrait ceux qui unissent les frères et sœurs (Loin d'eux, Des hommes), des voisines (Ceux d'à côté), de vieux amants (Le Lien) et jusqu'aux victimes d'un même désastre (le séisme d'Autour du monde), c'est ici à la relation mère-fils qu'il s'attache. À leurs colères rentrées, et leur tendresse impossible, que résume si bien cette caresse feinte, lorsque Sybille trouve Samuel endormi : pas même à fleur de peau, mais juste au-dessus, dans cet intervalle délicat où semble se tenir le livre tout entier.
Car, comme souvent, c'est à rendre la confusion des sentiments qu'il excelle le plus : cette façon qu'ont les hommes de courir quand ils défaillent, de rugir pour dompter leur peur et de boire à outrance tant pour cautériser la rage que lui donner bride. Garçon à l'œil sévère, rasé comme un bagnard au-dessus de ses écouteurs indélogeables, Samuel implose avant tout de ses contradictions : de l'intransigeance de ses 16 ans mais aussi de ce magma d'étonnement et de rage que lui inspire cette génitrice fragile et imprévisible, baroudeuse bien-pensante et « pseudo-mère courage ».
Quant à Sybille, son grand projet d'escapade se nourrit aussi d'un mélange d'amour et de rêves avortés où la culpabilité rejoint l'urgence de se sauver soi-même.
Et sans doute ces vacillements de l'âme sont-ils à l'origine des sortes d'irrésolutions du texte - un personnage dit ceci « ou peut-être » cela, il esquisse tel geste « ou plutôt » tel autre : formules alternatives ou semblants d'hésitations qui, depuis le premier roman de Laurent Mauvignier, révèlent une quête du mot juste et de la situation la plus immédiatement familière. À moins qu'il ne faille y lire un rappel de ce que chaque scène, chaque chose vue, dans cette œuvre comme dans la vie, est toujours le fruit d'un regard, si subjectif et déformant soit-il ? Ici, c'est dans les yeux de Sybille que nous voyons Samuel, et inversement... quand on ne les perçoit pas tels que chacun se figure que l'autre le voit. Le regard des autres, chez Laurent Mauvignier, possède ce pouvoir de vie, de mort et de démultiplication, et c'est dans ce jeu de miroirs infini que se dessine une vérité. Dans le regard, enfin, que se décide le rythme du texte, où les pauses panoramiques alternent avec de soudaines accélérations stroboscopiques, calquant l'emballement visuel des cauchemars, de la panique, des galops fous. Et c'est peut-être à ces phrases haletantes, embrasées, hérissées de mille détails et reformulations, que se reconnaît le mieux le style stupéfiant de Ce que j'appelle oubli et Des hommes.
Par Camille Thomine
MAGAZINE LITTERAIRE septembre 2016
LIRE
septembre 2016
Le fils de sa mère
Les retrouvailles inattendues entre un adolescent et sa mère lors d'un voyage initiatique.
En 2014, AUTOUR DU MONDE nous faisait monter sur un manège lancé à toute vitesse pour un voyage planétaire. Le romancier agrippait le destin d'une poignée de personnages, entre Israël et Moscou, avec le tsunami japonais en toile de fond. Laurent Mauvignier aime généralement s'appuyer sur la réalité sociale et historique pour mieux développer une histoire personnelle : la tragédie du Heysel avec Dans la foule (2006), des soldats pendant la guerre d'Algérie pour Des hommes (2009), un SDF voleur de bière dans Ce que j'appelle oubli (2011). Continuer est un livre plus intime autour d'un duo familial, Sibylle et Samuel, une femme qui voit filer le temps et un adolescent qui néglige le sien. Avec son look de skinhead, son indifférence mutique, ses copains pas très fréquentables qu'il écoute religieusement, Samuel est en train de se perdre. Sibylle se frappe la poitrine, persuadée que tout est de sa faute : sa vie en chute libre, son mariage raté, ses rêves d'écrivain avortés et maintenant l'éducation délétère de son fils. Elle cherche le sursaut et pense le trouver en partant avec Samuel durant plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. Là-bas, ils traverseront le pays à cheval et retrouveront, pense-t-elle, la notion de partage et d'échange dans une vie sauvage, au milieu de nulle part.
Les premières pages nous plongent dans un moment critique où des voleurs de chevaux encerclent les deux étrangers, comme le ferait un western à la russe. Puis, au fil des chapitres, on verra le couple mère-fils se haïr et avoir peur, montrer un courage inattendu et survivre dans une solitude qui peut mener à la catastrophe. Il y a donc cette première narration décrivant sobrement l’évolution des personnages, leur désir de se tenir debout, le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Mais autre chose se superpose comme une seconde lecture : la force de l'écriture. Dans ce roman d'une puissante beauté stylistique, Laurent Mauvignier déclare son amour pour le texte et ce qu'il peut transmettre d'éternel, d'intime et de grandiose. Les mots que Sibylle note dans son carnet de voyage rejoignent la musique qu'écoute Samuel, et c'est là, dans cette fusion entre les arts, que tous deux se retrouveront. Puisqu'ils doivent « continuer » ensemble et aller jusqu'au bout de ce grand voyage initiatique.
Par Christine Ferniot
LIRE, septembre 2016
PAGES DES LIBRAIRES
septembre 2016
Nouveaux départs
Deux chevaux, l'immensité de la steppe kirghize avec les montagnes pour horizon. Pendant quelques semaines, Sybille et Samuel sont loin du quotidien dans lequel ils se sont perdus. Cette aventure au bout du monde est peut-être avant tout un voyage au cœur d'eux-mêmes, leur seul espoir de revenir à la vie.
« ON CROIT QU'ON VA FAIRE UN VOYAGE, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. » Cette phrase de Nicolas Bouvier, Laurent Mauvignier l'avait placée en épigraphe de son précédent roman Autour du monde (« Double », Minuit). Nul doute qu'elle trouve un écho particulier dans Continuer et le séjour de rupture que vivent ensemble Sybille et son fils Samuel depuis qu'ils se sont lancés dans une randonnée à cheval à travers le Kirghizistan. Cette expérience extrême de déracinement, de vie frugale, de solitude en même temps que de promiscuité, Sybille en a eu l'idée quelques semaines plus tôt après être allée chercher Samuel à la gendarmerie. À 16 ans, il allait mal depuis un certain temps : l'adolescence, la séparation de ses parents puis un déménagement et de nouveaux copains un peu en marge l'avaient amené au bord du gouffre. Sa mère avait alors enfin pris conscience de la gravité de la situation et surtout de la nécessité d'y remédier... de manière énergique. Une nuit sans sommeil l'avait aussi amenée à s'interroger sans ménagement sur elle-même, à se voir à travers les yeux intransigeants de son fils comme une femme pitoyable et désespérée, une mère défaillante. Cela faisait longtemps que Sybille avait cessé de vivre, engluée dans une dépression mortifère, depuis qu'un drame avait fait prendre à sa vie une voie de garage. Mais l'urgence, c'était la vie de Samuel, encore en devenir, encore rattrapable. Voilà comment, malgré le scepticisme ironique de son ex-mari et la résistance hostile de son fils, ils avaient débarqué au Kirghizistan. Trois semaines plus tard, au moment où le roman commence, l'attitude de Samuel n'a pas beaucoup changé : la colère sourde qui l'habite, l'incapacité à communiquer et la crispation de la relation avec sa mère font toujours obstacles à un quelconque apaisement. D'autant que, malgré des éclats de bonheur inattendus, toutes sortes de dangers pèsent sur leur folle équipée : voleurs de chevaux, approvisionnement aléatoire, imprudences dans la montagne... Pourtant, le cœur du roman n'est pas tant l'aventure au bout du monde, que la quête d'une relation pacifiée à soi et aux autres, le nécessaire apprivoisement de l'inconnu à l'intérieur de soi, avant d'aller à la rencontre de l'étranger autour du monde. La fatigue et la solitude obligeront Samuel et Sybille à affronter leurs démons intimes, à réviser leurs jugements sclérosés, et à comprendre qui est véritablement celui ou celle qui leur fait face. Car les apparences et les blessures ont tôt fait de faire oublier – y compris à soi-même – ce qui palpite au fond d'une âme. Laurent Mauvignier signe un roman bouleversant aux personnages profondément humains, qui, parce qu'ils sont parfois lâches, égoïstes ou impulsifs, nous bousculent et nous touchent. À travers les trajectoires intimes – mais aussi intimement liées – d'une mère et d'un fils, il interroge encore une fois ce qui fait notre humanité, ce qui nous fonde, notre capacité à dépasser nos peurs, les circonstances qui, dans le monde complexe d'aujourd'hui, nous révèlent à nous-mêmes et nous poussent – à condition de les transcender – à continuer.
Par MARIE MICHAUD
Librairie Gibert Joseph (Poitiers)
Télérama
31 août 2016
Chevauchée de la dernière chance pour une femme et son ado paumé dans la splendeur sauvage des montagnes kirghizes. Epoustouflant.
Deux injonctions s'étalent sur la couverture de ce livre, comme deux lumières dans la nuit, deux repères pour poursuivre sa route. Continuer. Mauvignier. Un titre en forme d'infinitif. Un auteur en forme d'infinitif. A la page M d'un dictionnaire imaginaire, le verbe « mauvignier » aurait sans doute plusieurs définitions. Mauvignier, c'est forer, déceler, déferler, respirer. Et continuer. Voilà dix-sept ans que cet écrivain tient ses promesses, dix-sept ans qu'il avance et nous emmène à sa suite sans jamais décevoir. Son dernier livre, Autour du monde, traçait des lignes et tissait des liens, d'un bout à l'autre du globe, un jour de tsunami. A chaque fois qu'un chapitre se fermait pour passer d'une existence brisée à une vie en reconstruction, le lecteur poursuivait le séjour en secret, s'attardait en pensée dans des lieux trop vite quittés, et se prenait à rêver de prolonger les rencontres.
Avec ce nouveau roman, Laurent Mauvignier exauce ce souhait. Il nous propulse dans les montagnes kirghizes, et s'arrête, s'installe. L'immobilité pour mieux dire le mouvement des choses, la vitesse pour en saisir la paralysie. Tel a toujours été le secret de son écriture, qui dessine ici le parcours accidenté du voyage initiatique d'une Bordelaise avec son fils adolescent, au fin fond de l'Asie centrale. Sibylle a vendu sa maison en France pour payer cette cavale de secours à Samuel, garçon en perdition, déscolarisé, déphasé, désaxé, dont la peur de l'avenir s'est transmuée en peur du présent. Le livre révèle les origines de ce geste d'amour sacrificiel, en suit l'effet boomerang après la déflagration, en mesure la portée mystérieuse, aléatoire, aussi destructrice que salvatrice. Rarement Laurent Mauvignier avait osé une telle évidence des sentiments, une telle puissance du don à l'autre. Comme Xavier Dolan dans son film Mummy, il n'a pas peur de s'en remettre à la simplicité de l'émotion, inébranlable point de stabilité au milieu du chaos.
Hymne incomparable à l'amour d'une mère pour son fils, Continuer est aussi un grand livre d'aventures, sauvage et abrupt, d'une splendeur visuelle qui appelle à l'adaptation cinématographique, à moins que Bartabas ne tombe dessus, et ne s'en inspire pour un prochain spectacle. Au plus près de la nature (roche, limon, lac, glacier, forêt) Mauvignier signe un somptueux western où les chevaux sont rois. Doubles des héros, à la fois témoins, soutiens et médiums, ils soufflent et crapahutent, sondent et protègent, se cabrent et se soumettent, mus par des élans de fusion et d'indépendance. Ils habitent les plus belles pages du livre, avec un passage d'anthologie où l'action est décrite par son reflet dans l'oeil d'un cheval. Effet miroir vertigineux, où Mauvignier parvient à dire l'unité de l'homme, de l'animal et du cosmos, malgré la pluralité des phénomènes et des cataclysmes, dont toute son oeuvre littéraire recolle les morceaux.
Samuel doit son prénom à la passion de sa mère pour Beckett. Il connaît cette désintégration totale que provoque l'angoisse de solitude. Sa peur « de se diluer en l'autre, de devenir l'autre » le pousse au rejet de toute différence, au fantasme d'une France blanche, lisse et repliée sur elle-même. Son voyage va lui enseigner qu'il fait partie d'un tout, solide et fourmillant. Ainsi pourra disparaître sa crainte de l'avenir, que Laurent Mauvignier déjoue avec une utilisation passionnante du futur dans ses phrases. Il réserve ce temps au récit des disparitions, des morts, comme pour les retarder, les mettre en suspens, et préserver l'instant d'avant la chute. Continuer ? On continuera. Attentivement, avidement, on suivra cet écrivain en mouvement.
Par Marine Landrot
Télérama, 31 août 2016
FRANCE INTER L'HEURE BLEUE
29 août 2016
LA VIE
25 août 2016
EXPLORATIONS LOINTAINES ET INTIMES
L’amour d’une mère pour son fils en danger conduit chez Laurent Mauvignier à une échappée belle, qui permet de revenir sur ses bases, plus solidement arrimé. À son roman d’aventures, fluide et lumineux, l’écrivain a offert un titre volontariste, programmatique même : Continuer. Il raconte Sybille, une femme de 40 ans passée à côté de sa vie, qui décide soudain de reprendre les rênes pour sauver son fils – un adolescent mutique gagné par la délinquance et flirtant avec les crânes rasés. Sybille embarque le garçon rétif dans une folle équipée à cheval au coeur des montagnes d’Asie. Mais que diable aller faire au Kirghizistan ? Le piquant du roman de Mauvignier, c’est que le lecteur, à la manière de l’adolescent face à sa mère, se demande où l’intrépide écrivain veut bien en venir… Avec une remarquable habileté, il insère en toile de fond les attentats de 1995 à Paris, qui ont cisaillé la vie de Sybille (en lui arrachant son amoureux) et dont l’expérience lui sert de viatique pour le présent. Leçon d’endurance et de ténacité, de courage face à l’adversité, Continuer est aussi un livre de résistance à la haine et à la peur de l’autre. Le romancier se glisse dans la tête du jeune homme buté, mesure son ignorance, sa détestation de l’étrange étranger, du pauvre, du différent. « Il ne sait pas nommer sa peur et ne voit que le mot dans lequel il peut la faire tenir tout entière, musulman (…), lui qui ne savait même pas qu’on peut être musulman sans être arabe ; lui qui n’imaginait pas qu’on puisse être arabe sans vivre en banlieue (…), lui qui sait si bien qu’aimer et accepter est plus difficile que haïr et rejeter. » Comme chez Céline Minard, la problématique de l’autre est essentielle dans l’oeuvre de Mauvignier : Sybille réalise que son fils a peur « d’être contaminé » par les autres, de « se diluer en l’autre (…). Comme s’il fallait toujours penser une relation dans la domination ou la soumission ». Et Laurent Mauvignier de souligner au passage le rôle clé de la littérature : « la seule arme réellement efficace contre la lepénisation des esprits. »
LA VIE,
25 août 2016
Poche double
CD audio
Traductions
Italie
CONTINUARE,
traduit par Yasmina Melaouah
Feltrinelli Editore, Milano, 2018
Contact :
Pour contacter directement Laurent Mauvignier, on peut envoyer un courriel aux Éditions de Minuit, à : presse@leseditionsdeminuit.fr qui feront suivre. Ou par voie postale : Laurent Mauvignier, les Éditions de Minuit, 7, rue Bernard-Palissy 75006 PARIS.
Agent : Isabelle de la Patelière - UBBA - 3, rue de Turbigo, 75001 PARIS - info@ubba.eu
Archives :
On peut trouver à la disposition des chercheurs un fonds Mauvignier à la Bibliothèque Jacques Doucet des Universités de Paris. bljd.sorbonne.fr